Discours du président et premier dirigeant de l'Office des transports du Canada, Scott Streiner, à la réunion du Bureau régional de l'Organisation de l'aviation civile internationale – Amérique du Nord, Amérique centrale & Caraïbes, le 1er août, 2018

La version prononcée fait foi

Personne n'est laissé pour compte : Action mondiale pour accroître l'accessibilité du transport aérien

Merci de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui ‒ je souhaite la bienvenue aux collègues qui ont traversé l'Amérique du Nord, l'Amérique centrale, ou les Caraïbes pour se joindre à nous. Vous arrivez assurément à Ottawa au bon moment de l'année. Même si nous, les Canadiens, sommes heureux d'accueillir des invités en tout temps,  notre enthousiasme ne tend pas à être aussi débordant pour les réunions que nous tenons au mois de février!

Bien que nous n'aimions pas tellement penser à cela au mois d'août, le Canada est reconnu pour ses hivers. Ce que les gens savent moins, c'est que le Canada a été un pionnier du transport aérien, en grande partie grâce à Alexander Graham Bell.

Bell est célèbre en tant qu'inventeur du téléphone. Alors, si quelqu'un parmi vous est actuellement en train de regarder son cellulaire plutôt que d'écouter mon discours, je lui en suis partiellement redevable.

La conception du premier téléphone aurait largement suffi à assurer une place à Bell dans les livres d'histoire, mais c'est loin d'être son seul accomplissement. Bell est l'un des grands penseurs et expérimentateurs à avoir réalisé des percées dans une vaste gamme de domaines au cours des 19e et 20e siècles.

L'un de ces domaines est l'aviation. Tout au long des années 1890 ‒ bien des années avant que les frères Wright à Kitty Hawk connaissent du succès en décembre 1903 ‒ Bell avait donné libre essor à son génie en expérimentant des concepts s'inspirant du cerf-volant pour créer un aéronef susceptible d'être alimenté en énergie et piloté. En 1907, il a mis sur pied une entreprise de recherche canado-américaine responsable de la conception et de la construction du Silver Dart, qui a pris son envol à Hammondsport, N.Y. au début de 1909 et décollé de la surface gelée de la baie de Baddeck, en Nouvelle-Écosse. Il s'agissait là du premier vol réalisé par l'entremise d'un être humain où que ce soit dans l'Empire britannique.

Le Wright Flyer, le Silver Dart, et de semblables innovations ont fait en sorte qu'un rêve remontant à des milliers d'années devienne une réalité. Quelques décennies seulement après ces expériences audacieuses et dangereuses, des gens traversaient les océans dans de longs tubes métalliques sans même y réfléchir. Et aujourd'hui, pour bien des gens partout dans le monde, monter à bord d'un avion est un geste tout aussi routinier qu’effectuer un appel à l'aide de l'un des téléphones cellulaires dont je viens de parler.

Obstacles au transport aérien

Il s'agit d'un geste routinier pour bien des gens ‒ mais pas pour tout le monde.

Parfois, lorsqu'il s'agit d'assurer un transport aérien sécuritaire et fiable, l'obstacle auquel on se bute est lié aux niveaux comparatifs du développement économique. C'est la raison pour laquelle l'OACI a lancé en 1914 une initiative intitulée « Aucun pays laissé pour compte ».

Quelquefois, il surgit un obstacle qui est lié à une déficience.

La mère et l'épouse de Bell étaient toutes deux sourdes. C'est une des raisons pour lesquelles son intérêt pour la transmission vocale s'est accru et il a consacré beaucoup de temps et d'énergie aux travaux visant à améliorer les possibilités éducatives pour les personnes sourdes. Toutefois, Bell était d'avis que l'on devrait éliminer la surdité, et il préférait que ceux ayant une déficience auditive apprennent à parler plutôt qu'à utiliser le langage gestuel. Il était donc sensible aux difficultés auxquelles sont confrontées les personnes sourdes, mais il leur demandait à elles, plutôt qu'à la société, de s’adapter en conséquence.

Aujourd'hui, notre approche à leur égard est différente et plus appropriée qu'auparavant. Il est à espérer que nous faisons preuve de la même sensibilité dont a fait preuve Bell à l’égard des défis auxquels les personnes ayant une déficience sont confrontées. Nous comprenons par contre que la responsabilité d'éliminer les obstacles est une responsabilité mutuelle. Nous réalisons que la question d'assurer un accès égal aux installations et aux services, y compris au transport aérien, représente un droit fondamental de la personne. Comme il est énoncé dans la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées – c'est-à-dire la CDPH, qui a été ratifiée par 177 pays – le transport accessible est nécessaire « afin de permettre aux personnes ayant une déficience de vivre de façon indépendante et de participer pleinement à tous les aspects de la vie ». [Traduction]

Cette réalisation est un point de départ essentiel, et d'importants progrès ont été réalisés pour assurer l'accessibilité accrue du transport aérien. Il n'en reste pas moins que les personnes ayant une déficience sont encore confrontées à de nombreux obstacles lorsqu'elles souhaitent se rendre quelque part par avion.

Les voyageurs qui sont sourds n'entendent pas toujours les annonces concernant l'embarquement, les changements de porte d'embarquement, la turbulence, les déroutements et les évacuations.

Les passagers qui comptent sur des fauteuils roulants éprouvent parfois des difficultés à faire une correspondance dans un grand aéroport, à monter à bord d'un aéronef, et à en sortir en cas d'urgence. Il leur arrive même de voir, en regardant par la fenêtre de l'aéronef, leur fauteuil roulant personnalisé et coûteux tomber sur le sol par mégarde durant le processus de chargement.

Les voyageurs ayant une déficience visuelle n'ont pas toujours la capacité d'utiliser les applications d'enregistrements, ne sont pas toujours au courant des avis de retard et d'annulation de vol qui sont affichés sur les écrans des aéroports, et ne reçoivent pas toujours les consignes de sécurité nécessaires une fois à bord de l'aéronef.

Les personnes qui ont connu la guerre éprouvent parfois des difficultés psychologiques tout au long de leur vol si des sièges correspondant à leurs besoins ne leur ont pas été attribués.

Chacun de ces passagers est un individu dont l'intérêt est le même que celui de toute autre personne qui a recours au transport aérien, que ce soit pour visiter la famille et les amis, découvrir de nouveaux sites, subir un traitement médical, ou faire des affaires. Et chacun est un consommateur qui génère des revenus, et auquel la compagnie aérienne souhaite offrir un service adéquat afin de faire affaires régulièrement avec lui.

Ensemble, les gouvernements, l'industrie et les groupes de défense des droits des personnes ayant une déficience peuvent faire en sorte d'éliminer les obstacles au transport aérien accessible.

La promesse – et les limites – des mesures intérieures

Certaines des administrations que vous représentez se sont déjà dotées de règles intérieures à l'égard de l'accessibilité du transport aérien.

Au Canada, ces règles sont établies et administrées par l’organisation que je dirige, l’Office des transports du Canada (OTC). L’OTC est le plus ancien tribunal indépendant et organisme de réglementation au Canada. Nous avons plusieurs responsabilités liées au transport aérien, qu’il s’agisse de la délivrance de licences ou de permis d’affrètement aux transporteurs aériens, du traitement des plaintes des consommateurs déposées par des passagers ou, bien sûr, du travail visant à garantir l’accessibilité du transport aérien. 

L’accessibilité est une des grandes priorités pour l’OTC – et pour les ministres et fonctionnaires de l’ensemble du gouvernement du Canada. En fait, le gouvernement a récemment déposé au Parlement un projet de loi nationale de grande importance sur l’accessibilité. 

Depuis deux ans, l’OTC procède à l’examen approfondi et à la modernisation des règles et des lignes directrices en matière de transports accessibles. Nous avons reçu 200 présentations de la part de l’industrie, d’organismes communautaires, d’experts et de voyageurs. Nous avons examiné les pratiques exemplaires en vigueur dans d’autres pays. Et nous procédons actuellement à l'élaboration d'un Règlement sur les transports accessibles qui intégrera et actualisera les dispositions de deux règlements existants et de six codes de pratiques volontaires.

Le nouveau règlement traitera de toutes les questions allant de l'assistance pour guider une personne dans les aéroports à l'accessibilité du site Web, ainsi que du sous-titrage dans les systèmes de divertissement à bord à la formation liée à l'accessibilité pour le personnel des compagnies aériennes.

Nous sommes fiers du progrès que nous avons réalisé en ce qui concerne ce nouveau règlement, et confiants qu'il contribuera grandement à clarifier les exigences de conformité et à améliorer l'expérience de voyage aérien des personnes ayant une déficience.

Il est important d'avoir de telles règles intérieures sur le transport aérien accessible. Elles constituent un exercice de souveraineté qui contribue à assurer le respect des droits fondamentaux des personnes ayant une déficience. Elles indiquent clairement aux transporteurs qui desservent le pays ‒ que ce soit des transporteurs aériens intérieurs ou étrangers ‒ quelles normes minimales en matière d'accessibilité ils sont tenus de suivre.

Il n'est cependant pas suffisant d'établir des règles d'accessibilité au niveau national. Le secteur de l'aviation, de par sa nature, franchit les frontières. C'est l'industrie mondiale par excellence. Pour les passagers ayant une déficience, le fait d'avoir à composer avec divers régimes d'accessibilité de diverses administrations risque d'engendrer de la confusion et de la frustration lorsqu'ils voyagent par avion. Pour les transporteurs, cette fragmentation accentue la complexité et les coûts inhérents à la conformité, et risque de susciter des inconvénients si le pays d'origine d'un transporteur fixe la barre plus haute pour l'accessibilité que le font les pays d'origine de ses compétiteurs.

Par conséquent, à mesure que nous poursuivons nos efforts pour assurer l'adoption de règles d'accessibilité claires, raisonnables et efficaces dans nos propres pays, nous devons réfléchir à la façon de renforcer la cohérence dans l'ensemble des administrations ‒ comme nous l'avons toujours fait et continuons de le faire, pour des raisons de sécurité.

Les bons résultats – et les lacunes – des normes internationales actuelles

Bien sûr, nous ne partons pas de zéro. Les normes et les pratiques recommandées qui figurent à l’annexe 9 de la Convention relative à l’aviation civile internationale exigent déjà que les États contractants prennent les mesures nécessaires pour s’assurer que les personnes ayant une déficience aient un accès équivalent aux services de transport aérien, et on y trouve des orientations sur la manière d’atteindre cet objectif au moyen de politiques, de services, d’équipement et d’installations.

Ces normes et ces pratiques recommandées ont eu des effets positifs. Mais il reste beaucoup de travail à accomplir – et diverses forces et tendances font que nous devons nous y mettre sans tarder. Dans de nombreuses régions du monde, la population vieillit et la proportion de personnes ayant une déficience – qui atteint maintenant près de 20 pour cent à l’échelle mondiale – augmente. En conséquence, plusieurs d’entre nous et bon nombre de nos proches et de nos amis risquent tôt ou tard d’avoir une forme de déficience, si ce n’est pas déjà le cas. Par ailleurs, l’industrie a de plus en plus recours à des technologies de pointe à toutes sortes de fins, qu’il s’agisse de maximiser les coefficients d’occupation ou de fournir des services sans avoir besoin de contact humain – des technologies qui parfois améliorent l’accessibilité, et parfois constituent de nouveaux obstacles. Et à l’occasion du 10e anniversaire de l’entrée en vigueur de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CRDPH), les attentes sont en hausse partout dans le monde pour que des mesures concrètes soient prises afin de s’assurer que les personnes ayant une déficience bénéficient d’un accès égal aux services de transport. Comme le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres l’a déclaré à propos de la CRDPH, « il ne suffit pas de signer et de ratifier la Convention. Sa mise en œuvre est essentielle. » [Traduction]

Nous pouvons tirer une certaine satisfaction des progrès réalisés dans le domaine du transport aérien accessible, mais les données montrent que nous devons en faire davantage. Nous devons tenir compte des questions d’accessibilité dans la façon de concevoir et de fournir les installations, l’équipement et les services liés au transport aérien. Et c’est maintenant qu’il faut agir.  

Une des mesures clés que nous pourrions prendre serait de travailler ensemble en vue de soumettre une résolution sur le transport aérien accessible à l’Assemblée générale de l’OACI qui aura lieu à l’automne 2019. Cette résolution pourrait souligner les liens entre le transport aérien accessible d’une part, et la durabilité, la sécurité et la CRDPH d’autre part. Elle pourrait définir les grands principes convenus pour le transport aérien accessible et comprendre un engagement envers l’élaboration d’un ensemble commun de normes plus précises. Elle pourrait prescrire aux comités et aux groupes de travail de l’OACI de tenir compte des questions d’accessibilité dans leurs travaux. Et elle pourrait comprendre un engagement de la part de tous les États contractants à prendre des mesures concrètes en vue de garantir un transport aérien accessible sur leur territoire, à suivre les progrès réalisés et à faire rapport sur les résultats.

Conclusion

Une définition des mesures prioritaires en matière de transport aérien accessible à l’échelle internationale peut sembler ambitieuse, surtout en cette période où de nombreuses initiatives sont déjà en cours. Mais en 2018, c’est tout à fait logique. C’est logique parce que nous avons tous pris l’engagement de nous assurer que les personnes ayant une déficience puissent vivre de manière autonome et digne. C’est logique parce que le transport aérien accessible est bon pour tous les passagers, et non uniquement pour ceux qui ont une déficience. C’est logique parce qu’une plus grande accessibilité peut jouer un rôle clé dans la sécurité et la fiabilité du transport aérien. C’est logique parce que les personnes ayant une déficience sont de plus en plus nombreuses et représentent, dans une certaine mesure, un marché à exploiter par l’industrie. Et c’est logique parce que les transporteurs bénéficieront de la clarté et de la cohérence que favorisera l’adoption d’un ensemble commun de pratiques et de principes internationaux en matière de transport aérien accessible.

Nous ne devrions pas hésiter à faire preuve d’audace dans la poursuite d’objectifs louables. Comme Alexander Graham Bell défendant avec acharnement ses nombreuses idées et inventions, nous devons nous élever tout en gardant les pieds sur terre. 

Ensemble, nous avons les moyens de définir les principes et les pratiques qui permettront de nous assurer que nous respectons nos valeurs, que nous rendons le transport aérien accessible à tous, depuis les arrière-grand-mères en fauteuil roulant jusqu’aux enfants ayant des allergies graves, et de garantir des règles du jeu équitables pour toutes les compagnies aériennes du monde.

Je vous remercie de votre attention et souhaiterais connaître vos idées sur la manière dont nous pouvons réaliser des progrès dans ce domaine primordial.

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