Rapport de l’enquêteur sur les plaintes selon lesquelles les compagnies aériennes n’ont pas respecté leurs obligations en matière de communication prévues dans le Règlement sur la protection des passagers aériens

Cas no 20-01590

30 septembre 2020

Préparé par :Tom Oommen, enquêteur

Désignation de l’enquêteur et portée de son rapport

Le 13 février 2020, l’Office des transports du Canada (Office) a ouvert une enquête sur les plaintes des passagers alléguant que les transporteurs canadiens n’ont pas communiqué avec précision les raisons des retards ou des annulations de vol, comme l’exige le Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2019-150 (RPPA). Comme l’indique la lettre décision no LET-C-A-12-2020, le but de l’instance est « d’examiner, de manière efficace, les allégations qui ont été faites dans de nombreuses plaintes sur des questions liées à la communication, et de veiller à ce que les exigences relatives à la communication du [RPPA] soient claires à la fois pour les passagers et les transporteurs aériens ». La lettre-décision no LET-C-A-44-2020 a précisé que « les renseignements que possèdent les transporteurs concernant la raison réelle du retard ou de l’annulation d’un vol ou les communications aux passagers à l’égard de la raison réelle du retard ou de l’annulation d’un vol » sont pertinents pour l’enquête, et qu’il peut s’agir « des réponses des transporteurs aériens aux demandes d’indemnisation des passagers, envoyées conformément au paragraphe 19(4) du RPPA ».

Dans un courriel daté du 13 février 2020, l’Office, en vertu du paragraphe 38(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10, a désigné comme enquêteur son dirigeant principal, Conformité. Bénéficiant du soutien du personnel de l’Office, l’enquêteur était chargé de diriger l’enquête et de faire rapport à l’Office. Le mandat de l’enquêteur consistait à obtenir les documents, les dossiers et les renseignements présentant un intérêt pour l’enquête, à mener des entrevues et à recueillir les déclarations écrites des personnes et des organisations directement concernées par les plaintes, et à présenter un rapport à l’Office.

L’enquête s’est penchée sur 567 plaintes contre Air Canada, WestJet, Swoop, Sunwing, Air Transat et United Airlines (transporteurs aériens défendeurs).

L’enquête a été menée du 24 février au 30 septembre 2020, avec une interruption du 18 mars au 30 juin 2020 (arrêtés no 2020-A-32 et no 2020-A-37), en raison de la pandémie de COVID-19. Ce rapport, préparé par l’enquêteur, présente les preuves factuelles recueillies relativement aux plaintes qui font partie de l’instance, ainsi que les questions mises en évidence par l’enquêteur qui pourraient devoir être interprétées par l’Office. Le rapport est donc soumis à l’Office pour qu’il décide des prochaines étapes.

Contexte

Le RPPA est entré en vigueur en deux étapes.

Le 15 juillet 2019, le premier groupe de dispositions est entré en vigueur. Ces dispositions comprenaient l’obligation de fournir aux passagers touchés la raison de la perturbation d’un vol, conformément à l’alinéa 13(1)a) du RPPA, qui prévoit ce qui suit :

13 (1) Le transporteur fournit aux passagers visés par le retard ou l’annulation de vol ou le refus d’embarquement les renseignements suivants :

a) la raison du retard, de l’annulation de vol ou du refus d’embarquement;

[…]

Ces dispositions comprenaient également les exigences en matière de communication décrites aux paragraphes 13(2) et (3) du RPPA, qui prévoient ce qui suit :

13(2) Dans le cas du retard, le transporteur fournit aux passagers une mise à jour toutes les trente minutes sur la situation, et ce, jusqu’à ce qu’une nouvelle heure de départ soit fixée ou jusqu’à ce que des arrangements de voyage alternatifs aient été pris.

13(3) Le transporteur fournit aux passagers tout nouveau renseignement dès que possible.

Le deuxième groupe de dispositions est entré en vigueur le 15 décembre 2019. Ces dispositions comprenaient l’obligation de fournir des renseignements conformément aux alinéas 13(1)b), c) et d) du RPPA, qui prévoient ce qui suit :

13 (1) Le transporteur fournit aux passagers visés par le retard ou l’annulation de vol ou le refus d’embarquement les renseignements suivants :

[…]

b) les indemnités qui peuvent être versées pour les inconvénients subis;

c) les normes de traitement des passagers applicables, le cas échéant;

d) les recours possibles contre lui, notamment ceux auprès de l’Office.

Du 15 décembre 2019 au 13 février 2020, l’Office a reçu plus de 3 000 plaintes de la part de passagers aériens alléguant que les transporteurs aériens défendeurs n’avaient pas communiqué avec précision les raisons des retards ou des annulations de vol.

Considérant que ce nombre de plaintes était trop important pour être examiné en une seule instance avec les ressources existantes de l’Office, ce dernier a regroupé 567 plaintes en fonction de critères, tels que les questions soulevées et le nombre de plaintes par transporteur et par vol.

Ces 567 plaintes ont été déposées relativement à 182 vols exploités par les transporteurs aériens défendeurs.

Méthode

Dans un courriel daté du 24 février 2020, l’enquêteur a informé les transporteurs aériens défendeurs de ce qu’il prévoyait faire pour s’acquitter de son mandat. Pour chacun des 182 vols, l’enquêteur, aidé par le personnel de l’Office, a examiné les plaintes des passagers, mené des entrevues auprès des transporteurs aériens défendeurs et rassemblé les documents pertinents, dans le but d’établir les faits liés à ces vols et de déterminer si des tendances ou des questions particulières devraient être signalées à l’Office. Afin de mener l’enquête plus efficacement, une exception a été faite pour 63 vols d’Air Canada pour lesquels il n’y avait qu’une seule plainte. En effet, il semblait peu probable que ces plaintes soulèvent des questions qui n’auraient pas déjà été soulevées par les autres 504 plaintes (voir la « Liste de vols d’Air Canada faisant l’objet d’une seule plainte » à l’annexe B du présent rapport). Bien que des renseignements de base aient été recueillis sur chacun de ces 63 vols, ceux-ci n’ont pas fait l’objet d’un examen approfondi en collaboration avec des représentants d’Air Canada, ni de demandes de documents justificatifs supplémentaires.

À l’exception de ces 63 vols d’Air Canada, les vols visés par l’enquête sont répertoriés dans le tableau sommaire de l’enquête (voir l’annexe A du présent rapport). Pour chacun de ces vols, le tableau sommaire décrit :

  1. la séquence des événements de la perturbation de vol, selon les renseignements fournis par le transporteur aérien, puis vérifiés par l’enquêteur durant l’enquête;
  2. les communications avec les passagers pendant et après la perturbation de vol;
  3. la catégorie dans laquelle le transporteur classe la perturbation de vol (attribuable au transporteur, attribuable au transporteur, mais nécessaire par souci de sécurité, indépendante de la volonté du transporteur);
  4. les questions relatives au vol que souligne l’enquêteur aux fins d’examen.

L’essentiel du rapport de l’enquêteur se trouve dans le tableau sommaire et le texte ci-dessous.

Observations préliminaires

Les perturbations de vol sont souvent complexes; elles peuvent découler de multiples facteurs et impliquer une série de vols, à mesure que les transporteurs aériens défendeurs tentent d’y faire face. Quelle qu’en soit la cause, les retards ou les annulations de vol ont des répercussions sur les passagers. Bien qu’au cours de l’enquête, aucune preuve n’ait été rassemblée suggérant que les transporteurs aériens défendeurs ont délibérément mal qualifié les perturbations de vol ou mal communiqué avec les passagers dans le but de se décharger de leurs obligations envers eux, un manque de préparation à l’entrée en vigueur du RPPA semble être à l’origine d’un certain nombre de problèmes de communication et de mise en œuvre. Une mauvaise communication peut exacerber la frustration des passagers et les amener à penser qu’on ne leur a pas fourni des renseignements exacts. C’est ce qu’illustrent les perturbations de vols pour lesquels certains passagers ont été indemnisés, alors que d’autres se sont vu refuser une indemnisation, parfois par erreur (voir, par exemple, les vols nos 16 et 133).

L’un des défis rencontrés par l’enquêteur a été la collecte des documents relatifs à la communication des transporteurs aériens avec les passagers. D’une part, la majorité des transporteurs aériens défendeurs étaient en mesure de fournir à l’enquêteur les avis écrits envoyés aux passagers durant les perturbations de vol, à l’exception d’United Airlines, dont le système d’archivage existant ne conserve pas ces renseignements au delà de 90 jours après la perturbation de vol en question.

D’autre part, la majorité des transporteurs aériens défendeurs ne conservent pas un registre du texte des annonces verbales ou du moment auquel elles sont faites, que ce soit dans l’aéroport ou à bord des vols. Deux exceptions : Sunwing, qui a conservé les registres manuscrits tenus par ses employés sur les annonces verbales effectuées à l’aéroport, et Air Transat, qui a créé un registre de certaines annonces importantes. Ce manque de documents était particulièrement notable pour ce qui est des communications relatives aux normes de traitement des passagers, à savoir ce qui leur a été offert concernant les bons de repas, le transport terrestre et l’hébergement, puisque la plupart de ces renseignements ont été fournis verbalement. Par conséquent, dans la plupart des cas, l’enquêteur n’a pas été en mesure de déterminer à quel moment les annonces verbales ont été faites et quel en était le contenu.

Constatations relatives aux communications

Les transporteurs aériens doivent fournir aux passagers visés par une perturbation de vol des renseignements clairs, opportuns et précis (paragraphes 13(1), (2) et (3) du RPPA). Le document d’orientation de l’Office, Guide pour communiquer les renseignements importants aux passagers, indique que la « communication avec les passagers est une obligation clé des [transporteurs aériens] », et que « les [transporteurs aériens] doivent fournir des renseignements clairs et concis […] ».

Pendant l’enquête, des lacunes ont été constatées en ce qui a trait à la communication des renseignements aux passagers, que ce soit pendant ou après la perturbation de vol, pour bon nombre des vols faisant l’objet des plaintes font partie de l’enquête.

Il convient de noter qu’en ce qui concerne Air Canada, il était fréquemment fait référence à des « problèmes d’horaire » dans l’explication du refus de l’indemnisation, nonobstant les diverses autres raisons fournies pendant la perturbation de vol. (Par exemple, voir les vols nos 46, 47, 49, 50, 52, 55, 58, 59, 60, 67, 89, 99, 101, 109, 115, 116 et 118.) Au cours de l’enquête, Air Canada a averti l’enquêteur qu’un bogue dans le système l’amenait à indiquer « problèmes d’horaire » comme raison sous-jacente des perturbations de vol en réponse aux demandes d’indemnisation des passagers. Air Canada a indiqué qu’elle avait trouvé une solution temporaire à ce problème et travaillait à le régler définitivement.

 

Question 1 mise en évidence

 

Contrairement aux autres transporteurs aériens défendeurs, au moment des vols faisant l’objet des plaintes qui font partie de l’enquête, Sunwing n’avait pas de système en place pour fournir aux passagers les raisons des perturbations de vol au moyen d’avis écrits (« alertes de vol ») lors des perturbations de vol, mais a indiqué à l’enquêteur qu’elle était en voie de modifier son système pour ajouter cette fonctionnalité.

Question 2 mise en évidence

Lors des perturbations de vol, des déclarations laconiques sur les raisons du retard ou de l’annulation ont couramment été adressées aux passagers. Dans le cas d’un certain nombre de vols pour lesquels les raisons de la perturbation étaient nombreuses, des renseignements précis sur la raison d’un élément particulier de la perturbation de vol ont été fournis aux passagers à mesure qu’évoluait la situation. Cependant, les passagers n’ont pas reçu suffisamment de renseignements pour comprendre que chacune des raisons particulières était bonne au moment où elle était donnée, et comment elles étaient liées l’une à l’autre. Les passagers ont ainsi été amenés à se poser des questions sur la légitimité des raisons fournies. Exemples de vols pour lesquels cette question s’est posée : vols nos 10, 33, 35, 37, 48, 50, 51, 57, 103 et 117.

Question 3 mise en évidence

Les problèmes de mise en œuvre liés à l’obligation de communiquer des renseignements clairs, opportuns et précis ont souvent persisté après l’événement, lorsque, en réponse à une demande d’indemnisation, le transporteur aérien ne mentionnait qu’un seul motif parmi les multiples raisons fournies pendant la perturbation de vol; la ou les raisons citées étaient énoncées en des termes différents de la ou les raisons fournies pendant la perturbation de vol; ou bien la perturbation de vol était classée dans une catégorie différente (p. ex., nécessaire par souci de sécurité plutôt qu’indépendante de la volonté du transporteur) de celle communiquée à l’origine durant la perturbation de vol. Dans le cas de perturbations de vol complexes, les transporteurs aériens défendeurs n’ont pas fourni assez de renseignements pour permettre aux passagers d’avoir des explications crédibles sur la perturbation de vol, même un certain temps après la perturbation de vol, alors qu’une demande d’indemnisation avait été déposée. Exemples de vols pour lesquels cette question s’est posée : vols nos 14, 15, 17, 18, 25, 36, 37, 41, 45, 53, 56, 62, 65, 69, 70 et 112.

Question 4 mise en évidence

Dans le cas d’un certain nombre de vols, les plaignants ont déclaré que des employés du transporteur aérien leur avaient fourni individuellement des renseignements supplémentaires sur la perturbation de vol; toutefois, les renseignements fournis individuellement étaient différents d’un passager à l’autre ou ne correspondaient pas aux renseignements fournis dans les avis écrits du transporteur aérien. En outre, pour plusieurs vols, les plaignants ont déclaré que des employés du transporteur aérien leur avaient laissé entendre, pendant la perturbation du vol, qu’ils seraient indemnisés, mais leur demande d’indemnisation a été refusée par le transporteur aérien. Exemples de vols pour lesquels cette question s’est posée : vols nos 1, 4, 5, 11, 14, 15, 34, 35, 41, 47, 51, 54, 66, 69, 84, 88 et 92.

Question 5 mise en évidence

Dans un certain nombre de cas, l’indemnisation demandée par les plaignants leur a été refusée, mais différentes raisons ont été fournies pour ce refus à différents passagers. Exemples de vols pour lesquels cette question s’est posée : vols nos 1, 3, 4, 5, 7, 8, 32, 36, 47, 51, 64 et 107.

Question 6 mise en évidence

Dans un certain nombre de cas, il était difficile de déterminer si le transporteur aérien faisait référence dans sa réponse à une demande d’indemnisation pour le vol en question ou pour un autre vol perturbé dans l’itinéraire du passager, ou à des vols de remplacement (voir par exemple les vols nos 3, 5, 45 et 59). Dans d’autres cas, le vol du passager a été annulé et un siège a été automatiquement réservé par la suite sur un autre vol (vol de réacheminement), qui a eu du retard. Lorsque le passager a fait une demande d’indemnisation pour le vol annulé, dans de nombreux cas, le transporteur a répondu en fonction du vol de réacheminement, plutôt que du vol annulé. Cela semble avoir été le cas pour les vols nos 60, 61, 66, 76, 78, 87, 88, 93, 98, 103, 104, 105, 113 et 115.

Autres questions

L’enquête a mis l’accent sur les plaintes des passagers alléguant que les transporteurs défendeurs ont fourni des renseignements non précis ou contradictoires quant aux raisons des retards ou des annulations de vol. Lors de la collecte et de l’analyse des faits pertinents pour l’examen de ces allégations, l’enquêteur a cerné des questions étroitement liées à l’objectif de l’enquête : la catégorisation des perturbations de vol, la définition de « maintenance planifiée » et l’interprétation d’un effet domino. Ces questions interdépendantes, pour lesquelles l’Office pourrait vouloir fournir un guide d’interprétation, sont abordées ci-dessous.

Catégorisation des perturbations de vol

Un transporteur aérien qui refuse de verser une indemnité en réponse à une demande déposée par un passager doit justifier son refus, conformément au paragraphe 19(4) du RPPA, qui stipule :

19(4) Le transporteur dispose de trente jours, après la date de la réception de la demande, pour verser l’indemnité au passager ou lui fournir les motifs de son refus de la verser.

Les articles 10, 11 et 12 du RPPA divisent les obligations des transporteurs aériens envers les passagers, en cas de perturbations de vol, en trois catégories selon leur niveau de contrôle sur la situation : celles qui s’appliquent lorsqu’une situation est attribuable au transporteur, celles qui s’appliquent lorsque la situation est attribuable au transporteur, mais nécessaire par souci de sécurité, et celles qui s’appliquent lorsque la situation est indépendante de la volonté du transporteur.

Le document d’orientation de l’Office, Guide sur les types et catégories de perturbations de vol (ci-après appelé « Guide sur les perturbations de vol »)fournit de plus amples explications et des exemples qui illustrent la catégorisation des perturbations de vol. Le Guide sur les perturbations de vol traite aussi des facteurs à prendre en compte pour déterminer la catégorie de la perturbation de vol, et indique qu’il peut y avoir des cas où la cause de la perturbation de vol « qui entre normalement dans une catégorie […] appartiendra plutôt à une autre catégorie en raison de circonstances atténuantes, par exemple des actions de tiers ».

Au cours de l’enquête, les transporteurs aériens défendeurs ont indiqué qu’ils s’appuient sur les «Lignes directrices sur la collecte de données sur le rendement du transport aérien pour les grands et les petits transporteurs aériens », publiées par Transports Canada (disponibles sur demande). Ce document fournit des lignes directrices sur les obligations en matière de déclaration de données en vertu du Règlement sur les renseignements relatifs au transport, DORS/96-334. Dans ces lignes directrices, on établit notamment une correspondance entre les codes de retard utilisés par les transporteurs et la catégorisation des codes de retard en vue de la déclaration obligatoire de données à Transports Canada. Le document comprend un avis de non-responsabilité indiquant qu’il « ne fournit aucune indication sur les obligations en vertu du [RPPA], qui est un règlement distinct établi en vertu d’une autorité distincte de la Loi sur les transports au Canada. [Ce] document d’orientation n’a aucune incidence sur l’interprétation ou l’application du RPPA par l’Office des transports du Canada ».

Un examen des vols visés par l’enquête a mis en évidence plusieurs questions liées aux catégories des perturbations de vol communiquées par les transporteurs aériens défendeurs aux passagers.

Pour un certain nombre de vols, les raisons de perturbation sont multiples. Le document d’orientation de l’Office, Guide sur les types et catégories de perturbations de vol indique que si « un vol est retardé ou annulé en raison de multiples facteurs, c’est la cause première, ou le facteur le plus important, qui servira normalement à déterminer à quelle catégorie appartient la perturbation ». Dans certains cas, les raisons de la perturbation du vol sont indépendantes les unes des autres, comme des intempéries et un problème mécanique sans rapport avec celles-ci. Dans d’autres cas, les raisons sont liées, une raison entraînant la suivante et donnant lieu à un retard supplémentaire pour une même perturbation de vol. Par exemple, la première raison d’une perturbation de vol pourrait être un problème mécanique avec un aéronef qui, bien qu’il ait été réparé, pourrait avoir entraîné un dépassement de la limite d’heures de travail des membres d’équipage. Ce dépassement de la limite d’heures de travail s’ajouterait ainsi aux raisons de la perturbation de vol, par suite de la première raison.

Question 7 mise en évidence

Dans plusieurs cas, la perturbation de vol était due à la fois à plusieurs raisons indépendantes les unes des autres et à des raisons dépendant d’une autre. Pour les vols nos 15 et 55, par exemple, il y avait deux raisons indépendantes à l’origine de la perturbation de vol. La troisième raison ayant contribué au retard des deux vols, à savoir le dépassement de la limite d’heures de travail des membres d’équipage, était attribuable aux deux premières raisons indépendantes. Dans de tels cas, le Guide sur les perturbations de vol pourrait être interprété comme suit : pour classer la perturbation de vol dans une catégorie, le transporteur aérien devrait d’abord déterminer quelles étaient les raisons indépendantes expliquant la perturbation du vol (la « cause première »), puis déterminer laquelle de ces causes était « la plus importante ».

Des problèmes ont été constatés dans le cas de plusieurs perturbations de vol pour lesquelles la disponibilité des membres d’équipage ou le dépassement de la limite d’heures de travail des membres d’équipage était soit la cause de la perturbation, soit un facteur important y ayant contribué. Le Guide sur les perturbations de vol indique que les perturbations de vol causées par les « horaires et [la] disponibilité des membres du personnel et de l’équipage » seraient « en général considérées comme étant attribuables [au transporteur] », mais que l’Office « procéderait au cas par cas pour catégoriser les vols retardés ou annulés pour de telles raisons — surtout si la limite d’heures de travail des membres d’équipage est dépassée ». Le Guide sur les perturbations de vol indique que les facteurs suivants, ainsi que tout autre facteur s’appliquant à la situation, seront pris en considération :

  • l’endroit où se trouvait l’aéronef au moment de la perturbation de vol, ce qui peut avoir une incidence sur l’horaire du nouvel équipage;
  • s’il est survenu des événements ayant une incidence sur le vol, qui auraient entraîné la pénurie de personnel, et si ces événements étaient ou non indépendants de la volonté du transporteur, par exemple, un retard attribuable à la météo, à une défaillance mécanique ou à d’autres facteurs.

Question 8 mise en évidence

Pour les vols nos 25 et 65, un problème médical de dernière minute impliquant un membre de l’équipage à Cancún met en évidence la question de la catégorisation des perturbations de vol. Ce problème correspond-il à la définition de perturbations « en général considérées comme étant attribuables [au transporteur] », comme l’indique le Guide sur les perturbations de vol, ou est-ce que le lieu de départ du vol (Cancún) fait en sorte que la perturbation de vol entre dans une des deux autres catégories? Et si c’est le cas, laquelle de ces deux catégories : indépendante de la volonté du transporteur, en raison du caractère imprévu du problème, ou attribuable au transporteur, mais nécessaire par souci de sécurité, puisqu’on a évalué que le vol ne devrait pas décoller avec un équipage réduit? Parmi les vols visés par l’enquête, les transporteurs ont classé certaines perturbations de vol liées à l’équipage dans la catégorie « indépendante de la volonté du transporteur » (par exemple, voir le vol no 37) et dans la catégorie « attribuable au transporteur, mais nécessaire par souci de sécurité » (par exemple, voir le vol no 100).

Question 9 mise en évidence

En ce qui concerne le vol no 84, la perturbation de vol était due à une interruption du réseau informatique du transporteur, laquelle n’était pas attribuable à un facteur externe – par exemple une cyberattaque; tous les vols du transporteur ont ainsi été retardés cette journée-là. Cela soulève la question de la catégorisation adéquate des perturbations de vol dues à des problèmes de réseau ou de système informatique allant au-delà des défaillances mécaniques d’un aéronef en particulier, et les facteurs qui permettent de déterminer si ces perturbations peuvent dans certains cas entrer dans une catégorie, et dans d’autres cas, dans une autre.

Question 10 mise en évidence

Parmi les vols visés par cette enquête, plusieurs ne représentaient pour certains passagers qu’un segment d’un itinéraire composé de multiples vols. Dans un certain nombre de ces itinéraires, il y a eu des perturbations de plus d’un vol, ce qui a joué un rôle dans le message que le transporteur a communiqué aux plaignants concernant la catégorisation des perturbations de vol. Prenons la situation suivante : le vol A est retardé de 4 heures pour une raison attribuable au transporteur et le passager rate sa correspondance pour le vol B. Le transporteur réachemine le passager à bord du vol C, dont le décollage est prévu une heure plus tard. Cependant, le vol C est retardé de 10 heures pour des raisons indépendantes de la volonté du transporteur. Le passager demande une indemnisation pour un des vols. Le transporteur pourrait :

  1. répondre que le retard du vol A était la cause principale du retard du passager et communiquer à ce dernier les renseignements pertinents concernant la catégorie et l’indemnité correspondantes;
  2. répondre que le retard du vol C était le retard le plus long et communiquer au passager les renseignements pertinents concernant la catégorie et l’indemnité correspondantes.

Les transporteurs aériens défendeurs ont choisi la première option dans le cas du vol no 105, par exemple, mais ont choisi la seconde dans le cas du vol no 41.

Maintenance planifiée

Le paragraphe 11(1) du RPPA établit que les perturbations de vol causées par une maintenance planifiée sont attribuables au transporteur, alors que le paragraphe 1(1) fournit les définitions connexes du terme « défaillance mécanique » (problème mécanique qui réduit la sécurité des passagers, à l’exclusion du problème découvert lors de la maintenance planifiée effectuée conformément aux exigences légales), et du terme « nécessaire par souci de sécurité » (se dit de toute exigence légale à respecter afin de réduire les risques pour la sécurité des passagers, y compris les décisions en matière de sécurité qui relèvent du pilote de l’aéronef ou qui sont prises conformément au système de gestion de la sécurité au sens du paragraphe 101.01(1) du Règlement de l’aviation canadien, à l’exception de la maintenance planifiée effectuée conformément aux exigences légales). Le RPPA établit qu’une perturbation de vol causée par une « défaillance mécanique » est par conséquent attribuable au transporteur, mais nécessaire par souci de sécurité. Cependant, ce n’est pas le cas d’une perturbation de vol causée par une « maintenance planifiée », que le RPPA désigne comme étant attribuable au transporteur.

Le document d’orientation de l’Office, Guide sur les types et catégories de perturbations de vol, indique que les perturbations de vol causées par un « entretien régulier ou prévu, y compris les réparations subséquentes ou les activités requises qui en découlent », sont attribuables au transporteur. En outre, le Guide sur les perturbations de vol explique que les transporteurs aériens défendeurs doivent bien planifier « le moment et la durée de la mise hors service de l’aéronef pour l’entretien régulier, de sorte que les passagers ne soient pas touchés par des annulations ou des retards de dernière minute ».

Le Guide sur les perturbations de vol reconnaît également « qu’un entretien régulier ne permet pas de prévoir ou de prévenir toutes les défaillances mécaniques », et que « les perturbations de vol causées par ces types de défaillances imprévues d’un aéronef (qui n’ont pas été décelées au cours de l’entretien régulier) seraient considérées comme étant attribuables [au transporteur], mais nécessaires par souci de sécurité ».

Les problèmes mécaniques qui ont entraîné les perturbations de vol examinées dans le cadre de l’enquête ont été découverts pendant l’exploitation des aéronefs (y compris les vérifications avant vol), plutôt que durant les opérations de maintenance régulières ou planifiées, avec les possibles exceptions suivantes, dont il est question plus bas : vols nos 32, 82 et 90.

Question 11 mise en évidence

Dans le cas du vol no 32, le problème mécanique qui a causé la perturbation de vol a été détecté au cours de la nuit précédente, alors que des réparations étaient effectuées sur l’aéronef pour régler un problème n’ayant rien à voir avec le problème à l’origine de la perturbation. Cela soulève la question de savoir si le problème mécanique devrait être considéré comme ayant été découvert pendant la « maintenance planifiée ».

Question 12 mise en évidence

Dans le cas du vol no 90, le problème mécanique qui a causé la perturbation de vol a été détecté entre l’atterrissage de l’aéronef et le départ du vol, durant l’entretien de l’aéronef après et avant vol. C’était également le cas pour le vol no 82, où un problème mécanique a été découvert durant les opérations d’entretien de l’aéronef après vol, problème que l’on a dit avoir corrigé, mais qui a été de nouveau signalé peu de temps avant le départ du vol, huit heures plus tard. Ces cas soulèvent la question de savoir si les problèmes mécaniques devraient être considérés comme ayant été découverts pendant la « maintenance planifiée ».

Effets domino

Dans les cas où une perturbation de vol résulte d’un effet domino découlant de la perturbation d’un vol précédent, les paragraphes 10(2) et 11(2) du RPPA indiquent que la catégorisation de la perturbation du vol précédent, qu’elle soit indépendante de la volonté du transporteur ou attribuable au transporteur, mais nécessaire par souci de sécurité, s’appliquera également au vol suivant si le transporteur « a pris toutes les mesures raisonnables pour atténuer les conséquences du retard ou de l’annulation précédent ». En ce qui concerne le vol no 67, par exemple, s’il est accepté que la perturbation d’un vol précédent était due à un problème mécanique attribuable au transporteur, mais nécessaire par souci de sécurité, alors la perturbation du vol suivant pourrait aussi être catégorisée comme étant attribuable au transporteur, mais nécessaire par souci de sécurité.

Toutefois, selon le document d’orientation de l’Office, Guide sur les types et catégories de perturbations de vol, si le transporteur ne prend pas toutes les mesures possibles pour réduire un effet domino, les retards des vols suivants pourraient être considérés comme étant attribuables au transporteur. Le Guide sur les perturbations de vol indique en outre que « pour déterminer si un [transporteur aérien] a pris toutes les mesures possibles pour empêcher un effet domino ou le réduire au minimum, il faudra tenir compte des facteurs suivants :

  • l’éloignement;
  • la disponibilité d’un autre aéronef;
  • la durée de l’effet domino. »

En ce qui concerne les vols visés par l’enquête, l’enquêteur a pris note d’un certain nombre de cas pour lesquels la question s’est posée de savoir si le transporteur défendeur « a pris toutes les mesures raisonnables pour atténuer les conséquences du retard ou de l’annulation précédent », comme l’exigent les paragraphes 10(2) et 11(2) du RPPA.

Question 13 mise en évidence

Pour ce qui est de la prise en compte du facteur d’« éloignement », il convient de considérer le vol no 7. Le manque d’équipage pour effectuer ce vol à partir de Deer Lake est attribuable au fait que le vol de Toronto à Deer Lake, qui devait transporter l’équipage nécessaire pour le vol en partance de Deer Lake, n’a pas été effectué. Cela soulève la question des attentes du transporteur en ce qui concerne la disponibilité de l’équipage non seulement pour le vol à partir de Deer Lake, mais pour celui en provenance de Toronto, où il était sans doute plus probable que le transporteur soit en mesure de réunir l’équipage requis.

Question 14 mise en évidence

Dans plusieurs cas, un vol de liaison vers l’étranger a été retardé ou annulé, entraînant une absence d’aéronef ou d’équipage pour effectuer un vol à partir de l’étranger (voir, par exemple, les vols nos 12, 18, 35 et 61 en provenance de Cancún; le vol no 14, de Miami; le vol no 23, de Varadero; le vol no 58, de Fort Lauderdale; le vol no 60, de Las Vegas; le vol no 67, de Puerto Plata; le vol no 70, de Roatan, Honduras; le vol no 73, de Lima; et les vols nos 86 et 88, de Honolulu). Ces vols ont soulevé la question des attentes des transporteurs aériens en ce qui concerne la disponibilité d’aéronefs et d’équipages de réserve pour effectuer un vol à partir de l’étranger.

Question 15 mise en évidence

En ce qui concerne la disponibilité d’un autre aéronef, il y a plusieurs vols pour lesquels un problème mécanique a entraîné la mise hors service d’un aéronef qui devait effectuer un vol précédent, et où l’aéronef en question était l’aéronef prévu pour un vol suivant. Pour un certain nombre de vols (voir, par exemple, les vols nos 4, 6, 62, 73, 76, 78, 98 et 109), la disponibilité d’un autre aéronef a été lourdement influencée par de mauvaises conditions météorologiques confirmées au moment de la perturbation de vol ou la veille. Dans ces cas, la disponibilité d’un autre aéronef et d’un autre équipage a été également influencée par le fait que l’aéroport de départ était ou non une plaque tournante pour les aéronefs ou les équipages du transporteur aérien en question. Par exemple, bien que Toronto soit le plus grand aéroport du Canada, ce n’est pas une plaque tournante pour les aéronefs ou les équipages des gros porteurs de WestJet.

Question 16 mise en évidence

En ce qui concerne la durée de l’effet domino, dans certains cas, l’effet a commencé il y a plus d’un vol dans la chaîne des vols. Par exemple, pour le vol no 16, la perturbation d’un premier vol la veille a eu des incidences sur l’aéronef et l’équipage d’un deuxième vol le même jour, qui à son tour a eu des incidences sur un troisième vol le lendemain (un des vols visés par l’enquête). Les vols nos 23, 24 et 108 faisaient également partie d’une telle chaîne de trois vols. Dans tous ces cas, les transporteurs aériens défendeurs ont attribué les retards aux vols précédents, mais à quoi s’attend-on de la part des transporteurs aériens défendeurs en ce qui concerne la disponibilité d’aéronefs et d’équipages de réserve pour pallier les perturbations de vols antérieurs dans une chaîne de vols? En ce qui concerne les vols nos 23 et 24 en particulier, le transporteur gérait de manière active ses vols afin d’atténuer les répercussions sur un vol non visé par l’enquête, dont les passagers auraient subi un très long retard si les vols visés par l’enquête (vols nos 23 et 24) n’avaient pas été autorisés à prendre chacun un peu de retard.

Annexes

Annexe A : Tableau sommaire de l’enquête (Format : PDF ; 1.28 mo)

Annexe B : Liste de vols d’Air Canada faisant l’objet d’une seule plainte(Format : PDF ; 117 ko)

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