Décision n° 59-C-A-2017

le 24 mars 2017
DEMANDE présentée par Boniface Nimbona contre Air Canada.
Numéro de cas : 
16-05105

RÉSUMÉ

[1] Boniface Nimbona a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) contre Air Canada concernant son refus de le transporter entre Zurich, Suisse et Bruxelles, Belgique, à bord d’un vol entre Montréal (Québec), Canada et Entebbe, Ouganda.

[2] L’Office se penchera sur la question suivante :

Air Canada a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif intitulé International Passenger Rules and Fares Tariff, NTA(A) No. 458 (tarif international) lorsqu’elle a refusé de transporter M. Nimbona?

[3] Pour les raisons énoncées-ci après, l’Office rejette la demande de M. Nimbona.

CONTEXTE

[4] M. Nimbona a acheté un billet auprès d’Air Canada pour un voyage aller-retour entre Montréal et Entebbe. Le vol de départ était prévu le 19 janvier 2016 et le vol de retour était prévu le 4 février 2016. L’itinéraire du voyage était le suivant :

  • Air Canada : entre Montréal et Zurich;
  • Brussel Airlines : entre Zurich et Bruxelles;
  • Brussel Airlines : entre Bruxelles et Entebbe;
  • Brussel Airlines : entre Entebbe et Bruxelles;
  • ASL Airlines France : entre Bruxelles et Charles de Gaulle, France;
  • Air Canada : entre Charles de Gaulle et Montréal.

[5] Au moment de l’enregistrement pour le vol du 19 janvier 2016, M. Nimbona a été redirigé du comptoir d’enregistrement d’Air Canada à celui de Swiss International Air Lines Ltd. exerçant également son activité sous le nom de Swiss (Swiss), la compagnie exploitante du vol. L’agente à l’enregistrement a alors informé M. Nimbona qu’il devait détenir un visa Schengen en plus de son passeport burundais pour prendre la correspondance entre Zurich et Bruxelles. L’agente l’a également informé que même s’il possédait une carte de résidence permanente canadienne, il devait avoir un titre de séjour parce que la carte de résident permanent canadien ne constituait pas un titre de séjour.

[6] Par conséquent, M. Nimbona a dû acheter d’autres billets pour voyager.

LA LOI

[7] Les dispositions tarifaires pertinentes à cette affaire sont énoncées dans l’annexe.

QUESTION : AIR CANADA A-T-ELLE CORRECTEMENT APPLIQUÉ LES CONDITIONS ÉNONCÉES DANS SON TARIF INTERNATIONAL LORSQU’ELLE A REFUSÉ DE TRANSPORTER M. NIMBONA?

Position de M. Nimbona

[8] M. Nimbona fait valoir que puisqu’il lui a été impossible d’échanger son billet auprès d’Air Canada pour un autre vol qui ne transitait pas dans l’espace Schengen, il a dû acheter un nouveau billet pour un vol dont le départ était le 20 janvier 2016.

[9] M. Nimbona soutient qu’une fois rendu à l’aéroport le 20 janvier 2016, il ne trouvait pas son passeport et par conséquent, il n’a pas pu voyager et a dû acheter un nouveau billet pour un vol dont le départ était le 22 janvier 2016.

[10] M. Nimbona indique qu’il comprend qu’il a la responsabilité de s’assurer d’avoir les documents de voyage nécessaires.

[11] M. Nimbona fait valoir qu’à son retour, il s’est plaint verbalement à Swiss Air. L’agente à qui il s’est adressé lui a répété qu’il devait détenir un visa ou un titre de séjour et que la carte de résident permanent n’était pas considérée comme un titre de séjour. M. Nimbona ajoute qu’il a ensuite déposé une plainte écrite auprès de Swiss Air, et que cette dernière a répondu que dans son cas, il devait détenir un visa de transit aéroportuaire pour prendre une correspondance à Zurich. M. Nimbona renvoie à un document de la Confédération suisse, du Département fédéral de justice et police DFJP, Secrétariat d’État aux migrations SEM, Domaine de direction Immigration et Intégration, Division Entrée – Liste 2 : Prescriptions en en matière de documents de voyage et de visas - Dispositons particulières indépendantes de la nationalité (version du 17 juillet 2015) qui prévoit que la carte de résident permanent constitue un titre de séjour pour le Canada. Selon M. Nimbona, à la lumière de ce document, il fait partie de la catégorie qui n’a pas besoin de visa de transit aéroportuaire pour Zurich puisqu’il possède une carte de résident canadien.

[12] M. Nimbona considère qu’Air Canada n’a pas prouvé qu’un visa aéroportuaire était nécessaire, non plus que M. Nimbona ne pouvait prendre une correspondance en Suisse sans sortir d’une zone internationale.

[13] M. Nimbona fait valoir qu’Air Canada a refusé son embarquement sans motif valable et n’a fait aucun effort pour trouver une solution à la situation. Il croit avoir subi de la discrimination systémique parce qu’il voyageait avec un passeport burundais et que sa carte de résident permanent au Canada n’avait aucune valeur.

[14] M. Nimbona demande un remboursement au montant total de 10 870 $ pour couvrir les dépenses engendrées (incluant le prix de rachat de billets) ainsi qu’une indemnité morale pour le trouble et le stress qui en ont découlé et pour la perte de trois jours de vacances.

Position d’Air Canada

[15] Air Canada indique que puisque le billet de M. Nimbona portait le numéro de vol AC6820, les règles du tarif international d’Air Canada s’appliquent dans le cas présent.

[16] Air Canada fait valoir que la décision de refuser de transporter M. Nimbona était en conformité avec ses règles tarifaires 65 et 75. Conformément à la règle 65, tout passager doit s’assurer de respecter les exigences administratives pour voyager ou transiter à travers tout pays inclus dans son itinéraire. Si le passager ne respecte pas ces exigences, la compagnie aérienne a le droit de refuser de transporter le passager.

[17] À l’appui de ses arguments, Air Canada renvoie aux conditions de transport de Swiss, plus particulièrement aux articles 7.1 Droit de refuser le transport et 13Formalités administratives.

[18] Air Canada renvoie à des documents publiés par l’Association du transport aérien international dans le Travel Information Manual (TIM). Les documents du TIM fournissent des renseignements relatifs aux exigences en matière de passeports et de visas pour des transits à travers l’espace Schengen, soit selon le point de départ, l’arrivée, la citoyenneté du passager et l’objectif du voyage. Selon Air Canada, un visa Schengen ou un titre de séjour d’un pays signataire de la Convention de Schengen est requis pour pouvoir prendre la correspondance de Zurich pour Bruxelles.

[19] Air Canada est d’avis qu’il n’est pas possible pour un passager qui arrive dans un pays Schengen, tel que la Suisse, en provenance d’un pays non-Schengen comme le Canada et qui repart vers un pays Schengen, de transiter sans visa. Un passager doit se conformer aux exigences d’entrée de l’espace Schengen. Air Canada ajoute que les citoyens burundais doivent avoir un visa ou posséder un titre de séjour pour entrer dans l’espace Schengen. Puisque le Canada n’est pas un membre de l’espace Schengen, M. Nimbona devait détenir un visa pour entrer dans l’espace Schengen.

[20] À l’appui de ses arguments, Air Canada renvoie à la décision no 212-C-A-2015 et à la décision no307‑C‑A‑2009 qui portent sur l’utilisation du TIM et l’information y contenue.

[21] Air Canada fait valoir que sa décision de refuser de transporter M. Nimbona le 19 janvier 2016 était justifiée parce qu’il n’avait pas de visa, et le 20 janvier 2016 parce qu’il n’avait pas de passeport.

[22] En ce qui a trait au rachat de billet, le 19 janvier 2016, pour le voyage du 20 janvier, Air Canada soumet que M. Nimbona a échangé son billet pour un autre qui ne transitait pas à travers l’espace Schengen. Pour ce qui est du voyage du 20 janvier, puisqu’il avait oublié son passeport, M. Nimbona a pour une deuxième fois échangé son billet pour un vol dont le départ était le 22 janvier 2016. Air Canada soutient que M. Nimbona n’a pas acheté de nouveaux billets, mais les a plutôt échangés en payant la différence de tarif et les frais applicables.

[23] Selon Air Canada, M. Nimbona n’aurait pas utilisé les coupons de vol pour son retour. Le billet de M. Nimbona était remboursable selon la règle 100(E) du tarif international d’Air Canada, qui prévoit ce qui suit :

Si un ou des coupons du billet ont été utilisés, le montant remboursé correspond à la différence, le cas échéant, entre le tarif, les taxes, les frais et les suppléments payés et le tarif, les taxes, les frais et les suppléments applicables pour le transport utilisé, moins tous frais ou toute pénalité d’annulation ou de modification applicables, énoncés dans les règles tarifaires pertinentes.

[24] Air Canada affirme que puisque seuls les coupons de vols pour voyager entre Montréal et Entebbe ont été utilisés, M. Nimbona n’aurait droit à un remboursement que si la valeur de ce voyage était moindre que la valeur du voyage aller-retour entre Montréal et Entebbe, disponible à cette date, plus les frais d’annulation applicables.

[25] Air Canada ajoute que le billet le moins cher pour un voyage aller-retour entre Montréal et Entebbe le 22 janvier 2016 coûtait 1 100 $. La partie non utilisée avait donc une valeur de 550 $. Le billet le moins cher pour un aller simple entre Montréal et Entebbe coûtait 1 997 $. Air Canada est donc d’avis que M. Nimbona n’avait pas droit à un remboursement pour les coupons de vol non utilisés. Elle ajoute que le seul remboursement auquel il aurait droit est un montant représentant les taxes associées aux coupons de vol non utilisés, soit 353,03 $, qu’Air Canada s’engage à verser à M. Nimbona.

[26] Enfin, Air Canada soutient que les règles 65 et 75 de son tarif international ont été correctement appliquées dans les deux cas de refus de transporter M. Nimbona ainsi qu’en ce qui concerne la demande de remboursement total des billets. Air Canada demande à l’Office de rejeter la demande.

Analyse et constatations

[27] Conformément à un principe bien établi sur lequel l’Office s’appuie lorsqu’il examine des demandes, il incombe au demandeur de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le transporteur n’a pas correctement appliqué les conditions de transport énoncées dans son tarif ou qu’il ne les a pas appliquées de façon uniforme.

[28] M. Nimbona admet qu’il a la responsabilité de s’assurer d’avoir les documents de voyage nécessaires. Toutefois, M. Nimbona considère que son passeport burundais et sa carte de résident canadien étaient suffisants et qu’il n’avait pas besoin de visa de transit aéroportuaire pour Zurich.

[29] M. Nimbona a fourni un document de la Confédération Suisse qui décrit certaines exceptions aux exigences en matière de visa de transit aéroportuaire, mais ces exceptions ne s’appliquent pas aux personnes détentrices d’un passeport burundais. L’Office note qu’aucune documentation soumise par M. Nimbona ne contredit la position d’Air Canada qui s’appuie sur l’information contenue dans le TIM. La validité de cette information a déjà été reconnue par l’Office dans la décision n° 307-C-A-2009 et la décision n° 212-C-A-2015.

[30] À la lumière de ce qui précède, l’Office est d’avis qu’il était légitime pour Air Canada de refuser de transporter M. Nimbona le 19 janvier 2016 étant donné qu’il n’avait pas les documents requis pour pouvoir prendre la correspondance de Zurich pour Bruxelles, tel qu’il est précisé dans le TIM. À cet égard, l’Office a indiqué dans la décision no 178-C-A-2008 que le TIM est un document reconnu dans l’industrie du transport aérien comme étant une source d’information fiable en ce qui a trait aux exigences d’entrée dans divers pays et qu’il est raisonnable pour un transporteur de s’en servir pour établir les exigences en matière d’entrée dans divers pays.

[31] L’Office conclut donc que M. Nimbona n’a pas démontré qu’Air Canada n’a pas correctement appliqué son tarif international.

[32] L’Office note qu’Air Canada s’est engagée à rembourser à M. Nimbona un montant de 353,03 $, soit le montant représentant les taxes associées aux coupons non utilisés de son vol.

Conclusion

[33] L’Office rejette la demande de M. Nimbona.


ANNEXE

Air Canada tarif international

Règle : 75

I. Refus de transport – Décision de débarquer un passager

Le transporteur refusera d’embarquer un passager ou le débarquera à un point quelconque pour l’une des raisons suivantes :

[…]

D. EXIGENCES DE L’IMMIGRATION, ADMINISTRATIVES OU AUTRES

Lorsqu’un passager doit franchir une frontière internationale, si:

    1. Les documents de voyages de ce passager ne sont pas en règle :
    2. Pour quelque raison que ce soit, l’embarquement à partir d’un pays, le transit par ce pays ou l’entrée dans celui-ci, ou le pays à partir duquel, par lequel ou jusqu’auquel le passager souhaite être transporté serait illégal;
    3. Le passager ne se conforme pas aux exigences de la Règle 65 (Formalités administratives) ;
    4. Ce passager omet ou refuse de se conformer aux règlements du transporteur, notamment en ce qui concerne les délais limites d’enregistrement et d’embarquement.

Règle 65 :

Formalités administratives – Passeports, visas et cartes de touriste

A. OBSERVATION DES RÈGLEMENTS

Le passager doit se conformer aux lois, aux règlements, aux ordonnances, aux demandes et aux exigences de voyage des pays de départ, de transit et de destination et des pays survolés ainsi qu’aux règles, aux règlements et aux directives du transporteur. Le transporteur ne peut être tenu responsable des conseils ou des renseignements fournis à un passager par un mandateur ou un employé du transporteur concernant la façon d’obtenir les documents nécessaires ou de se conformer à ces lois, règlements, ordonnances, demandes, exigences ou directives, qu’ils aient été fournis verbalement, par écrit ou autrement, ni des conséquences subies par un passager par suite de son défaut d’obtenir ces documents ou de se conformer à ces lois, règlements ordonnances, demandes, exigences ou directives.

B. Passeports et visas

  1. Il incombe à chaque passager qui souhaite franchir une frontière internationale d’obtenir tous les documents de voyage nécessaires et de se conformer à toutes les exigences de voyage des états en question. Le passager est tenu de présenter tous les documents de sortie, d’entrée et autres documents requis par les lois et, à moins de dispositions contraires dans les lois applicables, d’indemniser le transporteur pour la perte ou les dommages subis ou les frais engagés par ce transporteur en raison de l’omission du passager de se conformer aux obligations du présent paragraphe. Le transporteur n’est pas responsable envers le passager des pertes subies ni des frais engagés en raison de son défaut de se conformer à la présente disposition. Le transporteur se réserve le droit de refuser de transporter tout passager qui ne s’est pas conformé aux lois, aux règlements, aux ordonnances, aux demandes et aux exigences applicables ou qui présente des documents incomplets. Aucun transporteur ne peut être tenu responsable des conseils ou des renseignements fournis à un passager par un mandataire ou un employé du transporteur concernant la façon d’obtenir ces documents ou de se conformer à ces lois, qu’ils aient été fournis verbalement, par écrit ou autrement. De plus, le transporteur se réserve le droit de retenir, de photocopier ou de reproduire autrement un document de voyage présenté par un passager et accepté comme condition d’embarquement.

[…]

D. RÈGLEMENTATION GOUVERNEMENTALE

Aucune responsabilité n’incombe au transporteur s’il détermine en toute bonne foi que ce qu’il croit être la loi, les demandes, les ordonnances, les exigences ou les règlements gouvernementaux applicables exigent qu’il refuse de transporter un passager, et qu’il refuse effectivement de le faire.

Membre(s)

Sam Barone
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