Décision n° 69-C-A-2017

le 13 avril 2017
DEMANDE déposée par Isaac Robert Issug contre British Airways Plc exerçant son activité sous le nom de British Airways (British Airways).
Numéro de cas : 
17-00167

RÉSUMÉ

[1] Isaac Robert Issug a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) contre British Airways concernant la perte de l’une de ses pièces de bagage enregistrées au cours d’un voyage effectué les 16 et 17 octobre 2016 de Calgary (Alberta), Canada à Paris, France via Londres, Royaume-Uni. La demande de M. Issug concerne également une pièce de bagage endommagée pendant le vol de retour du 11 novembre 2016 de Paris à Calgary.

[2] M. Issug demande que l’Office ordonne à British Airways de lui rendre sa pièce de bagage et son contenu d’une valeur qu’il estime à plus de 1 500 $ CAN.

[3] L’Office se penchera sur les questions suivantes :

  1. British Airways a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif intitulé International Passenger Rules and Fares Tariff, NTA(A) No. 306 (tarif), lequel incorpore par renvoi la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international – Convention de Montréal (Convention de Montréal), en ce qui a trait à la responsabilité des transporteurs relativement aux bagages, comme l’exige le paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (RTA)?
  2. Si British Airways n’a pas correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif, quel recours, le cas échéant, est à la disposition de M. Issug?

[4] Pour les motifs énoncés ci-dessous, l’Office détermine que British Airways n’a pas correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif. Par conséquent, l’Office enjoint à British Airways de verser à M. Issug une indemnisation de 2 053,84 $ CAN, au plus tard le 13 mai 2017.

CONTEXTE

[5] Le 16 octobre 2016, M. Issug a pris le vol no 102 de British Airways, de Calgary à Londres (Royaume-Uni), et le 17 octobre 2016, il a pris le vol no 322 de British Airways, de Londres à Paris.

[6] Le 11 novembre 2016, M. Issug a pris le vol no 335 de British Airways, de Paris à Londres, et le vol no 103 de British Airways, de Londres à Calgary.

LA LOI

[7] Les dispositions de la Convention de Montréal et les dispositions règlementaires pertinentes à cette affaire sont présentées en annexe.

POSITIONS DES PARTIES

Position de M. Issug

[8] M. Issug fait valoir qu’à son arrivée à l’aéroport Charles de Gaulle (aéroport CDG) à Paris, il n’arrivait pas à trouver sa pièce de bagage. Il allègue l’avoir cherchée avec l’aide d’un agent de British Airways, mais en vain. Il a ensuite rempli une déclaration de bagage manquant (en date du 17 octobre 2016). Le reçu de bagage manquant no BA 733424 et le rapport de bagage manquant no CDGBA 47857 lui ont été émis. M. Issug soutient qu’on l’a informé que si sa pièce de bagage était retrouvée, elle lui serait envoyée à son adresse. Il ajoute que le responsable de British Airways lui a toutefois demandé d’attendre 21 jours avant de faire une réclamation.

[9] M. Issug indique que le 1er novembre 2016, on lui a confirmé que sa pièce de bagage avait été retrouvée et qu’elle lui serait livrée dans les prochains jours.

[10] À l’appui de son argument, M. Issug a déposé une copie du rapport de bagage manquant indiquant que sa pièce de bagage avait été retrouvée.

[11] M. Issug allègue que lorsqu’il a communiqué avec British Airways pour faire le suivi, on lui a dit que sa pièce de bagage lui serait livrée à son retour à Calgary le 11 novembre 2016. M. Issug ajoute qu’il n’a pas reçu sa pièce de bagage.

[12] De plus, M. Issug fait valoir qu’après son vol de retour du 11 novembre 2016, une autre pièce de bagage a été endommagée.

[13] Le 15 novembre 2016, M. Issug a déposé auprès de British Airways une réclamation pour la pièce de bagage qui a été perdue pendant les vols des 16 et 17 octobre (numéro de référence BA 15969841).

[14] Le 20 novembre 2016, M. Issug a déposé auprès de British Airways une réclamation pour la pièce de bagage endommagée (numéro de référence BA 15982100).

[15] M. Issug indique que le transporteur aérien est responsable de la destruction, de la perte ou de l’avarie aux bagages jusqu’à concurrence de 1 131 droits de tirage spéciaux (DTS) [environ 1 000 £ ou 1 230 EUR]. Il ajoute que dans le cas des bagages enregistrés, le transporteur aérien est responsable même s’il n’est pas fautif, sauf pour les bagages défectueux. Dans le cas des bagages non enregistrés, le transporteur aérien est responsable uniquement s’il est fautif.

[16] M. Issug fait valoir que British Airways ne lui a pas expliqué pourquoi sa pièce de bagage ne lui a pas été livrée, alors que British Airways l’avait prétendument retrouvée. Il soutient qu’il aimerait récupérer sa pièce de bagage ainsi que son contenu, dont il estime la valeur à plus de 1 500 $ CAN.

[17] En ce qui concerne sa demande d’indemnisation, M. Issug a fourni les preuves d’achat en sa possession. Il indique qu’il a déjà déposé auprès de British Airways une copie des factures pour les articles que renfermait sa pièce de bagage.

Position de British Airways

[18] British Airways fait valoir que M. Issug a enregistré deux pièces de bagage à Calgary (numéros d’étiquettes 01257334424 [733424] et 01257334425 [733425]). La pièce de bagage no 733424 a été déclarée manquante à l’aéroport CDG.

[19] British Airways soutient que M. Issug n’a communiqué avec elle qu’un mois plus tard pour déposer sa réclamation pour la perte de sa pièce de bagage. British Airways nie que la pièce de bagage no 733424 a été perdue.

[20] Selon British Airways, elle a transporté les deux pièces de bagage enregistrées de M. Issug de Calgary à Londres, puis de Londres à Paris. British Airways a déposé une preuve qui indique que les pièces de bagage étaient à bord de l’aéronef. Plus précisément, British Airways a déposé un rapport d’historique Merlin BSM démontrant que le 17 octobre 2016, la pièce de bagage no 733424 était le 17e bagage à être chargé, à 16 h 33, dans le conteneur à bagages no AKH 42835BB, à Londres, à bord du vol no 332 à destination de l’aéroport CDG.

[21] British Airways soutient que lorsque le vol no 332 est arrivé à l’aéroport CDG, le conteneur à bagages a été déchargé et transporté au tapis roulant d’arrivée des bagages dans l’aérogare. Un agent a ensuite sorti les bagages du conteneur et les a placés sur le tapis d’arrivée qui apporte les bagages au carrousel situé dans la salle d’arrivée des bagages.

[22] British Airways indique qu’il n’y a eu aucun autre rapport de bagage manquant pour le vol no 332, et qu’aucun bagage n’a été laissé dans le conteneur no AKH 42835BB. Selon British Airways, il n’y a aucune preuve que la pièce de bagage de M. Issug a été perdue ou prise illégalement par des bagagistes à l’arrivée à l’aéroport CDG.

[23] En ce qui a trait au vol de retour, British Airways confirme que M. Issug a enregistré deux pièces de bagage (nos 442826 et 442941) pour le vol no 335 le 11 novembre 2016.

[24] British Airways indique que les circonstances entourant le cas de M. Issug concernent un voyage aérien international, en provenance et à destination du Canada, avec escales internationales convenues, et par conséquent, les droits et les obligations des parties sont exclusivement régis par la Convention de Montréal. British Airways souligne que l’article 17(2) de la Convention de Montréal s’applique spécifiquement aux bagages.

[25] Selon British Airways, le fardeau de la preuve incombe à M. Issug, qui doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa pièce de bagage enregistrée a été perdue par British Airways alors qu’elle était à bord de l’aéronef ou au cours de toute période durant laquelle elle était sous la garde de British Airways. De plus, British Airways soutient que d’après la preuve fournie, M. Issug n’a pas, selon la prépondérance des probabilités, démontré la perte de sa pièce de bagage.

[26] En ce qui a trait à la réclamation de M. Issug concernant la pièce de bagage prétendument perdue, British Airways souligne que M. Issug réclame 1 646,02 $ CAN pour sa pièce de bagage et son contenu, mais que lorsque M. Issug a déposé une réclamation pour bagage perdu, il a demandé 4 010 $ CAN. British Airways fait valoir qu’aucun reçu ou aucune autre preuve d’achat, que ce soit pour la pièce de bagage d’origine ou son contenu, ou pour la pièce de bagage de remplacement, n’a été fourni par M. Issug.

[27] Selon British Airways, d’autres transporteurs aériens et elle-même sont victimes de réclamations orchestrées pour des bagages perdus. De plus, British Airways affirme qu’il ne s’agit pas d’une réclamation légitime pour bagage perdu, et que la demande devrait être rejetée avec adjudication des frais en sa faveur.

ANALYSE ET DÉTERMINATIONS

[28] Conformément à un principe bien établi sur lequel s’appuie l’Office lorsqu’il examine de telles demandes, il incombe au demandeur de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le transporteur n’a pas correctement appliqué les conditions de transport énoncées dans son tarif ou qu’il ne les a pas appliquées de façon uniforme.

Question 1 : British Airways a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif en ce qui a trait à la responsabilité des transporteurs relativement aux bagages, comme l’exige le paragraphe 110(4) du RTA?

[29] British Airways a confirmé que les pièces de bagage de M. Issug ont été chargées à bord du vol vers Paris. British Airways indique que le rapport d’historique Merlin BSM démontre que le 17 octobre 2016, la pièce de bagage no 733424 était le 17e bagage à être chargé, à 16 h 33, dans le conteneur à bagages no AKH 42835BB, à Londres, à bord du vol no 332 à destination de l’aéroport CDG.

[30] Lorsqu’il a déposé une copie du rapport de bagage manquant, M. Issug a confirmé qu’il avait informé British Airways que sa pièce de bagage était manquante et que, puisqu’elle a émis un numéro de rapport de bagage manquant, British Airways était au courant de ce fait. La copie du rapport comprend aussi la date à laquelle l’incident a été rapporté ainsi que le statut de la pièce de bagage.

[31] L’Office a indiqué dans des décisions antérieures (par exemple la 227-C-A-2008">décision n° 227-C-A-2008) que si un transporteur accepte de transporter les bagages enregistrés et que ceux-ci sont sous la garde et le contrôle du transporteur, ce dernier est responsable de ces bagages dans l’éventualité de perte ou d’avarie.

[32] L’Office estime qu’une fois enregistrées, les pièces de bagage de M. Issug étaient sous la responsabilité de British Airways.

[33] À la lumière de ce qui précède, l’Office détermine que le principe établi dans la 227-C-A-2008">décision n° 227‑C‑A‑2008 s’applique en l’espèce. L’article 17(2) de la Convention de Montréal prévoit, en partie, que le transporteur est responsable du dommage survenu en cas de perte ou d’avarie de bagages enregistrés si le fait qui a causé la perte ou l’avarie s’est produit à bord de l’aéronef ou au cours de toute période durant laquelle le transporteur avait la garde des bagages enregistrés.

[34] Par ailleurs, British Airways n’a pas démontré qu’elle a pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour justifier le délai dans la livraison de la pièce de bagage de M. Issug ou du fait qu’elle n’ait jamais été livrée, ou qu’il lui était impossible de prendre de telles mesures. De plus, le rapport de bagage manquant indique ce qui suit : [traduction] « Statut : Votre bagage a été trouvé. Il se trouve à votre aéroport local. Nous vous aviserons lorsqu’il sera prêt à être livré/ramassé. » M. Issug indique qu’aucun suivi n’a été fait à cet avis et qu’il n’a jamais récupéré sa pièce de bagage. British Airways n’a pas réfuté cette allégation de M. Issug.

[35] Puisque la pièce de bagage manquante de M. Issug était sous la garde et le contrôle de British Airways et que cette dernière était au courant que la pièce de bagage était manquante, l’Office détermine que British Airways est responsable de la perte de la pièce de bagage de M. Issug aux termes de l’article 17(2) de la Convention de Montréal.

[36] Par conséquent, l’Office détermine que M. Issug a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que British Airways n’a pas correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif en ce qui a trait à la responsabilité des transporteurs relativement aux bagages, comme l’exige le paragraphe 110(4) du RTA.

Question 2 : Si British Airways n’a pas correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif, quel recours, le cas échéant, est à la disposition de M. Issug?

[37] M. Issug demande que sa pièce de bagage ainsi que son contenu d’une valeur qu’il estime à plus de 1 500 $ CAN lui soit rendus. M. Issug a fourni des preuves d’achat pour la majorité des articles que refermait sa pièce de bagage, pour un total de 1 657,02 $ CAN.

[38] En ce qui concerne la demande de M. Issug relative à la pièce de bagage endommagée, l’Office estime que les présentations des parties sont incomplètes à ce sujet et qu’il ne peut donc pas prendre une décision. M. Issug n’a pas déposé de preuve de perte matérielle, de photos de la pièce de bagage endommagée ou d’estimation d’un atelier en ce qui a trait au coût de sa réparation.

[39] L’article 22(2) de la Convention de Montréal limite la responsabilité du transporteur en cas de destruction, de perte, d’avarie ou de retard de bagages à la somme de 1 131 DTS par passager (soit l’équivalent de 2 053,84 $ CAN).

[40] M. Issug a fourni une description des articles que renfermait sa pièce de bagage ainsi que des preuves d’achat. Par conséquent, l’Office estime qu’il est raisonnable d’adjuger à M. Issug 2 053,84 $ CAN.

ORDONNANCE

[41] À la lumière des déterminations qui précèdent, l’Office enjoint à British Airways de verser à M. Issug une indemnisation de 2 053,84 $ CAN, au plus tard le 13 mai 2017.


Annexe

Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international – Convention de Montréal

Article 17(2) – Mort ou lésion subie par le passager – Dommage causé aux bagages

Le transporteur est responsable du dommage survenu en cas de destruction, perte ou avarie de bagages enregistrés, par cela seul que le fait qui a causé la destruction, la perte ou l’avarie s’est produit à bord de l’aéronef ou au cours de toute période durant laquelle le transporteur avait la garde des bagages enregistrés. Toutefois, le transporteur n’est pas responsable si et dans la mesure où le dommage résulte de la nature ou du vice propre des bagages. […]

Article 19 – Retard

Le transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises. Cependant, le transporteur n’est pas responsable du dommage causé par un retard s’il prouve que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre.

Article 22(2) – Limites de responsabilité relatives aux retards, aux bagages et aux marchandises

Dans le transport de bagages, la responsabilité du transporteur en cas de destruction, perte, avarie ou retard est limitée à la somme de 1 131 droits de tirage spéciaux par passager, sauf déclaration spéciale d’intérêt à la livraison faite par le passager au moment de la remise des bagages enregistrés au transporteur et moyennant le paiement éventuel d’une somme supplémentaire. Dans ce cas, le transporteur sera tenu de payer jusqu’à concurrence de la somme déclarée, à moins qu’il prouve qu’elle est supérieure à l’intérêt réel du passager à la livraison.

Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié

110. (4) Lorsqu’un tarif déposé porte une date de publication et une date d’entrée en vigueur et qu’il est conforme au présent règlement et aux arrêtés de l’Office, les taxes et les conditions de transport qu’il contient, sous réserve de leur rejet, de leur refus ou de leur suspension par l’Office, ou de leur remplacement par un nouveau tarif, prennent effet à la date indiquée dans le tarif, et le transporteur aérien doit les appliquer à compter de cette date.

113.1 Si un transporteur aérien n’applique pas les prix, taux, frais ou conditions de transport applicables au service international qu’il offre et figurant à son tarif, l’Office peut lui enjoindre :

a) de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées;

b) de verser des indemnités à quiconque pour toutes dépenses qu’il a supportées en raison de la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport.

Membre(s)

P. Paul Fitzgerald
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